Caroline Philip-Ladage CFMLG 2002/2003 – Module Giorgi


Réalisation d’un dispositif de formation sur l’ingénierie de formation

Phase individuelle : sélectionner et résumer les informations utiles de faire acquérir par des formateurs débutants

Module : Apprentissage



Document original sur : http://www.fse.ulaval.ca/fac/ten/cours/html/theoappr.html

LES THÉORIES D'APPRENTISSAGE

adaptation de
Integrating Educational Technology into Teaching Prentice-Hall (1997)
Roblyer, M.D., Edwards,J., Havriluk, M.A.
par Danielle Marquis

Les théories béhavioristes

Les théories du traitement de l'information

Les principes de Gagné

Approches systémiques de design

Contributions de Vygotsky

Les théories de Piaget

Contributions de Bruner

Les tortues de Papert

Le groupe sur la cognition et la technologie

 

LES THÉORIES BEHAVIORISTES DE L'APPRENTISSAGE DE SKINNER: CONCEPTION BASÉE SUR LA RELATION STIMULUS-RÉPONSE

 

Skinner élabora ses prémisses fondamentales et ses approches expérimentales après Edouard Thorndike, lequel fut «un pionnier à tenter d'expliquer la façon d'apprendre des animaux et ce, en réalisant des expériences plutôt qu'en recueillant des anecdotes relativement aux comportements de ces derniers» (Gagné, 1985, p.6). Tout comme ceux de Thorndike, les premiers travaux de Skinner portaient sur l'étude des animaux (Skinner, 1938). Mais 30 ans plus tard, dans un volume intitulé The Technology of Learning (Skinner, 1968), il utilisa ces mêmes données, quoique son travail subséquent porta sur le comportement humain. Il en arriva à élaborer une théorie détaillée de ce à quoi une classe devrait ressembler pour refléter les principes du béhaviorisme. Plusieurs de ses principes reposent sur le développement de techniques efficaces pour la gestion de classe (Sultzer et Mayer, 1972).

Puisque les processus internes (mentaux) impliqués dans l'apprentissage ne pouvaient être observés directement, Skinner se concentra sur l'étude des relations de cause à effet qui pouvaient être établies par l'observation. Voici les différentes variables de sa théorie:

 

A) Les variables de causes:

 

B) Les variables d'effets:

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Par exemple, un enseignant pourrait être avec des apprenants qui pratiquent les tables de multiplication. Chaque carte apparaissant en présentant un problème (ex: 2 X 2 =) est un stimulus. Les réponses des apprenants deviennent, la réponse. L'enseignant peut féliciter les apprenants de façon intermittente (renforcement). Les apprenants répètent ce processus moulte fois, jusqu'à ce que ni la carte ni les félicitations ne soient nécessaires. À chaque fois qu'ils entendent 2 X 2, ils donnent automatiquement la réponse attendue.

Pour Skinner, enseigner consistait à organiser les contingentes de renforcement de façon efficace de façon à provoquer l'apprentissage. Les enseignants et le matériel d'enseignement sont les stimuli; les habiletés que les élèves démontrent sont les réponses. Skinner pensait que des habiletés complexes telles la pensée critique et la créativité pouvaient s'enseigner de cette même façon; il ne se serait agi que d'établir une chaîne de comportements en utilisant les principes du renforcement. Ses recommandations se concrétisèrent par le développement de l'enseignement programmé, ce qu'il considérait comme la façon la plus efficace pour apprendre des habiletés. Des psychologues de l'apprentissage dont Benjamin Bloom utilisèrent aussi les principes Skinnériens pour développer des méthodes qui prirent la forme de mastery learning.

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LES THÉORIES DU TRAITEMENT DE L'INFORMATION: LE CERVEAU COMPARÉ À UN ORDINATEUR

 

Les behavioristes mirent l'emphase uniquement sur les indicateurs externes et directement observables de l'apprentissage humain. Beaucoup trouvèrent cette explication insuffisante pour servir de guide à l'enseignement. Au cours des années 1950 et 1960, un groupe de chercheurs connus sous le nom de théoriciens cognitivistes de l'apprentissage commencèrent à avancer «des explications sur l'apprentissage qui mettait l'emphase sur les processus mentaux internes que les individus utiliseraient lorsqu'ils tentent de se faire une représentation du monde» (Eggen et Kauchak, 1994, p. 305). Les théoriciens du processus du traitement de l'information furent parmi les premiers à exercer le plus d'influence sur les théoriciens cognitivistes de l'apprentissage. Ils prônèrent l'existence d'un processus interne (dans le cerveau) qui permettrait aux êtres vivants d'apprendre et de se souvenir. Quoique non simple, la théorie de l'apprentissage basée sur le traitement de l'information résume ce qui fut fait dans le domaine. Le travail des théoriciens du traitement de l'information réfère généralement au modèle de la mémoire et de l'emmagasinage proposé par Atkinson et Shiffrin (1968). Ce modèle proposait que le cerveau contient certaines structures qui traitent l'information, un peu comme le fait un ordinateur. Ce modèle suggère que le cerveau humain possède trois types de mémoires ou «formes d'emmagasinage»:

 

A) Les enregistreurs sensoriels

La partie de la mémoire qui reçoit toute l'information sensorielle d'une personne (ce qu'elle voit, entend, ressent, goûte ou sent).

 

B) La mémoire à court terme (MCT)

Aussi connue sous le nom de mémoire de travail, est la partie de la mémoire où une nouvelle information est placée temporairement jusqu'à ce qu'elle soit perdue ou encore transférée à la mémoire à long terme.

 

C) La mémoire à long terme (MLT)

La partie de la mémoire qui est de capacité illimitée et qui peut retenir l'information pendant un temps indéfini.

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Conformément à ce modèle, l'apprentissage se réalise de la façon suivante. Premièrement, l'information parvient aux récepteurs: yeux, oreilles, nez, bouche et/ou mains. Cette information est retenue dans les enregistreurs sensoriels pendant une très courte période de temps (peut-être quelques secondes), après quoi, ou bien elle pénètre dans la MCT ou bien elle se perd (information oubliée). Plusieurs théoriciens du traitement de l'information croient que l'information puisse être emmagasinée, mais elle serait perdue avant d'atteindre la MLT si la personne n'y fait pas attention. "Tout ce à quoi une personne porte attention se place en mémoire de travail" (Ormrod, 1995, p. 316), où elle peut demeurer de 5 à 20 secondes (Ormrod, 1995). Après ce temps, si l'information n'est pas traitée ou pratiquée de manière à ne pas provoquer de transfert à la MLT, elle se perdrait. Les théoriciens du traitement de l'information croient que pour qu'une nouvelle information soit transférée à la MLT, elle doit être reliée, d'une façon quelconque, à une connaissance déjà établie et accessible en MLT. Lorsqu'une information pénètre en MLT, elle est permanente. Cependant, des psychologues croient qu'une information emmagasinée en MLT puisse se perdre si elle n'est pas utilisée régulièrement (Ormrod, 1995).

Le fait de concevoir l'apprentissage sous l'angle du traitement de l'information a servi de base à plusieurs pratiques en classe. Par exemple, les enseignants utilisent différentes méthodes pour augmenter la probabilité que les étudiants portent attention à une nouvelle information. En la présentant, ils donnent des précisions qui font ressortir les points importants et les caractéristiques du nouveau matériel et suggèrent des méthodes de codification ou des moyens de se souvenir, en faisant des relations avec les connaissances que les étudiants possèdent déjà. Les enseignants donnent aussi aux étudiants des exercices pratiques pour favoriser le transfert de l'information de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme.

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Les psychologues de l'apprentissage tels Gagné (voir le texte qui suit) et Ausubel fournirent plusieurs éléments servant de guide pour favoriser les processus d'attention, de codification et d'emmagasinage. Gagné proposa que les enseignants utilisent une «approche hiérarchique qui va du bas vers le haut», ce qui assure que les étudiants apprennent les habiletés de niveau inférieur en premier, puis construisent les autres à partir de celles-ci. Ausubel, au contraire, recommanda une «approche allant du haut vers le bas»; il proposa que les enseignants offrent «un schéma organisateur» ou une vue d'ensemble de l'information qui sera présentée par la suite. Cette façon de faire aiderait les étudiants à se former un cadre mental de référence auquel pourrait s'accrocher une nouvelle information (Gage et Berliner, 1988). Les théories du traitement de l'information ont également guidé le développement des applications en intelligence artificielle (IA). On retrouve une tentative de développement de matériel «software» pour ordinateur, lequel peut simuler la pensée et les comportements de l'apprentissage humain.

 

Figure 1. Un modèle du système de la mémoire humaine.

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LES PRINCIPES DE GAGNÉ: FOURNIR DES INSTRUMENTS AUX ENSEIGNANTS

 

Gagné élabora son travail à partir de ceux des théoriciens du béhaviorisme et du traitement de l'information. Il traduisit les principes de leurs théories de l'apprentissage en stratégies pratiques pour l'enseignement. Il est surtout connu par trois de ses principales contributions: les événements d'enseignement, les types d'apprentissages, et les hiérarchies d'apprentissages.

 

A) Les événements d'enseignement

Gagné utilisa le modèle du processus interne du traitement de l'information pour créer un cadre de référence pouvant guider l'enseignant lorsqu'il a à organiser les meilleures conditions possibles pour favoriser l'apprentissage. Son cadre de référence consistant en neuf événements d'enseignement fut peut-être ce qui a été le mieux connu de son travail (Gagné, Briggs, et Wager, 1988):

1. Attirer l'attention

2. Informer l'apprenant de l'objectif

3. Stimuler le rappel des préalables

4. Présenter le nouveau contenu

5. Guider l'apprentissage

6. Provoquer la performance

7. Fournir la rétroaction sur la justesse

8. Demander la performance

9. Favoriser la rétention et le rappel

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B) Types d'apprentissages

Gagné identifia plusieurs types d'apprentissages lesquels sont des comportements que les étudiants peuvent démontrer après avoir acquis une information. Ceux-ci étant différents, il faudra conséquemment utiliser des conditions différentes pour en favoriser l'apprentissage. Une partie de son travail fit clairement ressortir comment les événements d'enseignement devraient être utilisés différemment selon les types d'apprentissages à favoriser (Gagné, Briggs, et Wager, 1988):

1. Les habiletés intellectuelles

2. Stratégies cognitives

3. Information verbale

4. Habiletés motrices

5. Attitudes

 

C) Les hiérarchies d'apprentissages

Pour le développement des «habiletés intellectuelles», Gagné disait que leur apprentissage était comparable à un processus de construction. La maîtrise des habiletés de niveau inférieur fournirait donc une base nécessaire à l'apprentissage des habiletés de niveau supérieur. Par exemple, pour apprendre à résoudre des problèmes de divisions élaborées, il faudrait commencer par reconnaître les nombres et leur valeur, l'addition simple et la soustraction, la multiplication et la division simple. Ainsi, pour enseigner une habileté donnée, un enseignant devrait premièrement identifier les habiletés préalables, puis s'assurer que l'étudiant les possède. Il appela cette liste d'habiletés composantes d'un apprentissage, une hiérarchie d'apprentissages.

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APPROCHES SYSTÉMIQUES ET DESIGN D'ENSEIGNEMENT: GÉRER LA COMPLEXITÉ DE L'ENSEIGNEMENT

 

Saettler (1990) dit que le développement «des systèmes d'enseignement construits scientifiquement» précède le siècle actuel. Il précise cependant que les modèles et les méthodes de design modernes ont pris leurs racines dans le travail de collaboration entre Robert Gagné et Leslie Briggs. Ces psychologues de l'apprentissage renommés développèrent une façon de transférer «les principes de base découverts en laboratoire». Glanés de la formation militaire et de la formation en milieu de travail, ces principes servirent à construire un modèle efficace pour le développement de programmes pour le milieu scolaire, de même que pour aider à l'organisation de l'enseignement. Gagné était spécialisé dans l'utilisation des analyses de tâches d'enseignement permettant d'identifier les habiletés préalables et les conditions d'apprentissages. L'expertise de Briggs se situait au niveau de l'élaboration de méthodes systématiques servant à élaborer le design de programmes d'entraînement en entreprise. Il était motivé par le fait de permettre de sauver du temps et de l'argent lors de l'entraînement du personnel. Lorsque ces théoriciens combinèrent ces deux champs d'expertise, le produit présenta un processus constitué d'un ensemble d'étapes connu sous le nom d'approche systémique pour le design d'enseignement ou design systématique d'enseignement, lequel fut utilisé couramment dans les années 1970 et 1980.

Quoiqu'il existe plusieurs versions du processus systématique de design, Bradens (1996) décrit les étapes de ce modèle dans le diagramme qui suit. Son article fournit aussi une vaste discussion à propos des controverses survenant autour des termes design d'enseignement et approches systémiques.

Une des composantes du processus de design systématique était l'utilisation des hiérarchies d'apprentissages pour développer des programmes-cadres (Gagné, Briggs, & Wager, 1988, p.24). Nous sommes d'accord avec Seattler (1990), pour dire que "les années 1960 fournirent la plupart des composantes majeures du processus du design d'enseignement." Les noms associés à ce domaine incluent Robert Mager (objectifs d'enseignement), Glaser (tests de références critériés), Cronbach et Scriven (évaluation formative et sommative). Les autres contributions importantes du design moderne d'enseignement incluent David Merrill (Théorie de l'organisation des contenus (component display)) et Charles Reigeluth (Théorie de l'élaboration).

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Figure 2. Modèle du design d'enseignement de Braden 1996.

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CONTRIBUTIONS DE LEV VYGOTSKY: CONSTRUIRE UN ÉCHAFAUDAGE POUR L'APPRENTISSAGE

 

Pendant longtemps, les écrits du philosophe et psychologue de l'apprentissage Russe, Lev Semenovich Vygotsky semblaient influencer davantage le développement théorique et pratique de l'éducation en Amérique, que dans son propre pays. Davydov (1995) note que le livre de base de Vygotsky Pedagogycal Psychology, écrit possiblement en 1926, ne fut pas publié en Russie avant 1991. Davydov attribue cette négligence à la nature du gouvernement Russe en vigueur pendant la perestroika. «... les idées générales de Vygotsty ne pouvaient pas être utilisées avant un bon moment dans un système d'éducation où la société en est une totalitaire - ils ont simplement contredit tous ses principes» (p.13). Quels étaient ces concepts éducatifs qui semblaient si menaçants pour un état communiste alors qu'ils furent si chaudement accueillis par un système démocratique?

Vygotsky prétendait que le développement cognitif était directement relié et basé au développement social (Gage et Berliner, 1988; Ormrod, 1995). Pour lui, ce que les enfants apprennent et leur façon de penser découlent directement de la culture environnante: «...les enfants commencent à apprendre à partir des mots qui les entourent, de leur vocabulaire social, lequel est la source de tous leurs concepts, idées, faits, habiletés et attitudes. Notre processus psychologique personnel se construit comme un processus social, c'est-à-dire qu'il est façonné par notre culture» (Gage et Berliner, 1988, p. 124). Un adulte perçoit les choses différemment d'un enfant, mais cette différence décroît à mesure que l'enfant transfère graduellement ses perceptions sociales en perceptions personnelles et psychologiques.

Vygotsky référa à la différence qu'il y a entre ces deux niveaux du fonctionnement cognitif (adulte/expert et enfant/novice) comme une «zone de développement proximal». Il prétendait que les enseignants pouvaient fournir un bon enseignement s'ils commençaient par situer où chaque enfant en était dans son développement et construisaient ensuite, à partir des expériences de l'enfant. Il nomma ce processus de construction «échafaudage» (scaffolding). Ormrod (1995) dit que les enseignants favorisent le développement cognitif des étudiants en présentant des activités de classe qu' «ils peuvent compléter seulement en recevant une assistance - c'est-à-dire, à l'intérieur de chaque zone de proximité de développement de l'étudiant» (p. 59). Gage et Berliner (1988) avaient l'impression que les problèmes survenaient lorsque l'enseignant permettait trop à l'enfant de travailler seul, retardant ainsi son développement intellectuel. «La maîtrise des niveaux plus complexes du fonctionnement peut se produire avec l'assistance d'un adulte... C'est la personne la plus connaissante qui fournit l'échafaudage intellectuel pour que l'enfant grimpe. Dans la zone du développement proximal, le savoir social - savoir acquis à travers l'interaction sociale - devient un savoir individuel et le savoir individuel croît et se complexifie» (p. 126).

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Davydov (1995) trouva cinq implications de base pour éduquer selon les idées de Vygotsky (p. 13):

1. L'éducation a pour fonction de développer la personnalité de l'enfant.

2. La personnalité humaine est reliée à son potentiel créatif et l'éducation devrait être conçue pour permettre de découvrir et de développer ce potentiel à son maximum, chez chaque individu.

3. L'enseignement et l'apprentissage conçoivent que les étudiants exploitent leurs valeurs intérieures à travers des activités personnelles.

4. Les enseignants dirigent et guident les activités individuelles des étudiants, mais ils ne les leur dictent pas ni ne les forcent.

5. Les méthodes les plus valables pour l'apprentissage des étudiants sont celles qui correspondent à leurs besoins et à leurs stades de développement individuels; ainsi, ces méthodes ne peuvent être identiques pour tous les étudiants.

 

La considération de ces idées fait clairement ressortir l'influence du travail de Vygotsky sur la pensée constructiviste. Les concepts du constructivisme étant de baser l'enseignement sur chaque expérience personnelle de l'enfant, de considérer le besoin d'apprendre à travers la collaboration et les activités sociales, semblent vraiment en accord avec les prémices de Vygotsky. Il apparaît aussi que les théories de Vygotksy, avec leur emphase sur les différences individuelles, la créativité personnelle, et l'influence de la culture sur l'apprentissage, ne pouvaient concorder avec les buts de l'URSS, un gouvernement qui voulait «subjuguer l'éducation des jeunes aux intérêts d'un état prônant l'idée que les besoins des citoyens consistent à se considérer uniquement comme des pièces entièrement vouées au bon fonctionnement de tout un engrenage» (Davydov, 1995, p. 12).

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LES THÉORIES DE PIAGET: LE DÉVELOPPEMENT COGNITIF CHEZ L'ENFANT

 

Comme l'observa Flavel (1985), «les contributions de Piaget sur l'étude du développement cognitif ne fut pas un suspens de courte durée» (p. 4). Son étude portant sur le développement des habiletés de la pensée et du raisonnement du cerveau humain débuta avec l'observation de ses propres enfants et se développa au cours d'une carrière qui s'échelonna sur 60 ans. Il se définissait lui-même comme un «épistémologiste généticien», ou comme un scientiste qui étudie comment l'apprentissage débute et se développe chez les individus. Beaucoup croient en lui et les critiques des principes Piagétiens disent que son travail est complexe, profond, parfois incompréhensible, et généralement trop simplifié. Cependant, au terme de ceci, deux caractéristiques de son travail sont largement reconnues et supportent toutes ses théories: ses stades du développement cognitif et ses processus du fonctionnement cognitif.

Piaget disait que tous les enfants passent à travers quatre stades de développement cognitif. Quoique l'âge auquel ils expérimentent ces stades puisse varier, il disait que tous atteignaient leur plus haut niveau d'habileté de raisonnement dans une séquence identique. Voici les caractéristiques des enfants selon le stade dans lequel il se trouve:

 

A) Le stade sensori-moteur (de la naissance à environ 2 ans).

 

B) Le stade préopératoire (environ de 2 à 7 ans).

 

C) Le stade opératoire concret (environ de 7 à 11 ans).

 

D) Le stade des opérations formelles (environ de 12 à 15 ans).

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Piaget disait que le développement d'un enfant d'un stade à un autre se réalisait à travers un processus graduel d'interaction avec son environnement. Les enfants se développeraient lorsqu'ils sont confrontés à de nouvelles caractéristiques de leur environnement (qui leur sont étrangères), c'est-à-dire à des caractéristiques qui ne correspondent pas à leurs conceptions courantes du monde. Lorsque ceci se présente, dit-il, il se produit un «déséquilibre» et l'enfant cherche à le résoudre à travers l'un des deux processus d'adaptation possibles. Ou bien l'enfant associe les nouvelles expériences à la conception qu'il a déjà du monde (un processus appelé assimilation) ou bien il modifie son schéma ou sa vision du monde pour incorporer les nouvelles expériences (un processus appelé accommodation).

Ormrod (1995) résume les conceptions fondamentales de Piaget au sujet du développement cognitif des enfants de la façon suivante:

1. Les enfants sont des apprenants actifs et motivés.

2. Leur connaissance du monde devient plus intégrée et organisée avec le temps.

3. Les enfants apprennent à travers les processus d'assimilation et d'accommodation.

4. Le développement cognitif dépend de l'interaction avec l'environnement social et physique.

5. Le processus d'équilibration (résolution du déséquilibre) aide à développer de façon significative les niveaux complexes de la pensée.

6. Le développement cognitif peut se réaliser seulement après l'apparition d'un certain changement déterminé génétiquement.

7. Le développement cognitif se réalise en quatre stades qualitativement différents.

 

La recherche plus récente a remis en question le sujet des âges auxquels les habiletés des enfants se développent; il en est ressorti que l'âge ne détermine pas à lui seul le développement (Ormrod, 1995). Les éducateurs ne sont pas toujours d'accord avec la possibilité d'appliquer les théories de Piaget dans les classes. Un principe d'enseignement par ailleurs retenu et basé sur les stades de Piaget est celui de la nécessité d'utiliser des exemples concrets (ex: illustrations, manipulations). Il en est de même du besoin de faire vivre des expériences lors de l'enseignement de concepts abstraits à de jeunes enfants qui peuvent ne pas encore avoir atteint le stade des opérations formelles. Piaget lui-même déplorait expressément le manque d'intérêt de l'utilisation de son travail pour l'éducation de base dans les écoles, appelant cela «la question Américaine». Il fit aussi ressortir que de nombreux apprentissages se réalisent sans enseignement formel, ceci étant le produit de l'interaction de l'enfant avec son environnement.

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LES CONTRIBUTIONS DE JÉROME BRUNER: L'APPRENTISSAGE PAR DÉCOUVERTE

 

Tout comme Piaget, Jérome Bruner était intéressé par les stades du développent cognitif des enfants. Bruner décrivit le développement en trois stades (Gage et Berliner, 1988):

 

A) Le stade passif (inactive) (de la naissance à environ l'âge de 3 ans)

Les enfants perçoivent l'environnement seulement à travers les actions qu'ils réalisent. Les objets sont décrits et expliqués seulement en termes de ce que l'enfant fait avec. L'enfant ne peut pas dire comment une bicyclette fonctionne, mais il peut démontrer quoi faire avec. Pour les enfants de ce stade, la valeur de l'apprentissage se situe plus au niveau de «démontrer» et «d'imiter» que de «dire».

 

B) Le stade iconique (d'environ 3 ans à environ 8 ans)

Les enfants peuvent se souvenir et utiliser l'information à travers l'imagerie (images mentales et icônes). La mémoire visuelle s'accroît et les enfants peuvent imaginer ou penser à des actions sans les expérimenter dans l'immédiat. Les décisions sont encore basées sur des perceptions plutôt que sur le langage.

 

C) Le stade symbolique (vers 8 ans)

Les enfants commencent à utiliser les symboles (mots ou dessins) pour représenter les gens, les activités et les choses. Ils peuvent penser et parler des choses en termes abstraits. Ils peuvent aussi utiliser et comprendre ce que Gagné appelle des «concepts définis». Par exemple, ils peuvent discuter du concept de «jouet» et en identifier une variété, plutôt que de seulement en parler en termes de jouets qu'ils ont vus et manipulés. Ils peuvent mieux comprendre les principes mathématiques et utiliser les idiomes symboliques tels «ne pleure pas pour des choses pour lesquelles tu ne peux rien».

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Bruner a aussi identifié six indicateurs ou «repères» qui révèlent la croissance cognitive ou le développement (Owen, Froman, et Moscow, 1981, p. 49; Gage et Berliner, 1988, p. 121-122):

1. Réponses aux stimulations de différentes façons plutôt que toujours de la même manière.

2. Intériorisation des événements sous une «forme d'emmagasinage» qui correspond à l'environnement.

3. Amélioration de la capacité du langage.

4. Interaction systématique avec un tuteur (parent, enseignant, ou tout autre intervenant pouvant servir de modèle).

5. Utilisation du langage comme instrument servant à l'organisation de l'environnement.

6. Amélioration de la capacité à composer avec plusieurs demandes.

 

Contrairement à Piaget, Bruner s'est très soucié de l'organisation de l'enseignement pouvant servir dans les écoles, lesquelles reconnurent les stades du développement cognitif et travaillèrent à partir de ceux-ci. L'idée de l'apprentissage par découverte est «une approche d'enseignement où les étudiants interagissent avec leur environnement - en explorant et en manipulant des objets, se débattant avec des questions et des controverses, ou en réalisant des expérimentations» (Ormrod, 1995, p. 442). Bruner disait que les étudiants étaient plus en mesure de comprendre et de retenir des concepts qu'ils avaient découverts en explorant. Cependant, les recherches ont démontré des résultats controversés au sujet de l'apprentissage par découverte. De plus, les méthodes relativement non structurées recommandées par Bruner n'ont pas connu un très grand essor (Eggen et Kauchak, 1994; Owmrod, 1995). Les enseignants ont remarqué que l'apprentissage par découverte a plus de chance de réussir si les étudiants possèdent les connaissances préalables et s'ils vivent des situations structurées.

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SEYMOUR PAPERT: TORTUES ET BIEN AU-DELÀ

 

L'un des étudiants américains de Piaget, Seymour Papert, a profondément influencé le domaine de la technologie de l'éducation. Papert débuta sa carrière comme mathématicien. Après avoir étudié avec Jean Piaget à Genève de 1959 à 1964, il fut impressionné par la façon de Piaget de «considérer les enfants comme des constructeurs actifs de leurs propres structures intellectuelles» (Papert, 1980, p.19). Papert se joignit au Laboratoire d'intelligence artificielle de l'Institut de technologie du Massachusetts et commença à expérimenter Logo (une nouvelle programmation de langage) et son utilisation avec les jeunes. Un de ses collègues travaillait également avec les enfants et leur enseignait à contrôler un robot de la forme d'une tortue. L'équipe de l'ITM décida de combiner les deux concepts, intégrant une tortue «de l'écran» au langage Logo. Cet ajout fournit le chaînon vital que Papert cherchait pour permettre aux enfants de passer plus facilement des opérations concrètes - des premiers stades des hypothèses de Piaget - aux stades plus abstraits (formels). En 1980, Papert publia ses théories dans un volume intitulé Mindstorms: Children, Computers, and Powerful Ideas. Ce volume bouleversa les objectifs institutionnels courants de même que les méthodes utilisées en mathématiques et en technologie éducative. Cette publication devint le premier énoncé reconnu d'éducation pratique de nature constructiviste et qui recourait en même temps à des ressources technologiques.

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Comme Papert l'observa lui-même: «Je fais une interprétation plutôt non orthodoxe de la position théorique de Piaget et une interprétation encore moins orthodoxe des implications de sa théorie en éducation» (Papert, 1980, p. 217). Piaget n'était d'ailleurs lui-même pas intéressé par les méthodes d'enseignement ou les matières faisant l'objet des programmes; il n'avait ainsi pas intérêt à essayer d'accélérer les stades du développement cognitif. Papert pensait par contre que les enfants pouvaient progresser plus rapidement dans le développement de leurs habiletés intellectuelles en autant qu'ils disposaient d'un environnement et d'une assistance appropriés. Il décrivit les caractéristiques d'un tel environnement dans son volume de 1980. Quelques concepts-clés incluaient:

 

 

Lorsque des études sur les applications de Logo en éducation déçurent les attentes des éducateurs, plusieurs des concepts de Papert furent encore plus controversés. Papert qualifia ces efforts de recherche de «technocentriques», disant qu'ils mettaient plus l'emphase sur Logo lui-même que sur les méthodes utilisées pour travailler avec.

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LE GROUPE SUR LA COGNITION ET LA TECHNOLOGIE DE VANDERBILT (GCTV): RELIER LA TECHNOLOGIE AU CONSTRUCTIVISME

 

Une équipe de recherche située au Centre technologique de l'Université Vanderbilt a contribué à établir les grandes lignes d'un guide pratique intégrant une technologie basée sur les principes du constructivisme. Cette équipe, connue sous le nom de groupe sur la cognition et la technologie de Vanderbilt (GCTV), proposa une approche d'enseignement basée sur les concepts proposés par Vygotsky; Whitehead; et Brown, Collins, et Duguid (1989). Elle a aussi développé plusieurs produits technologiques en utilisant cette approche. Ces produits furent largement répandus et utilisés en éducation Américaine:

Plusieurs concepts déjà connus et associés ont servi de fondements théoriques à l'approche de l'équipe GCTV:

 

A) Éviter le savoir inerte

L'hypothèse du GCTV est que si l'enfant n'expérimente pas personnellement, il en résulte souvent une acquisition que Whitehead appelle un savoir inerte. C'est-à-dire que les étudiants n'appliquent jamais les connaissances qu'ils apprennent parce qu'ils ne peuvent pas établir de relations avec les problèmes qu'ils rencontrent. Le savoir interne est un «savoir qui peut occasionnellement être rappelé lorsque c'est formellement demandé aux personnes, mais il n'est pas utilisé spontanément pour résoudre des problèmes, même dans les situations où il serait pertinent de le faire» (GCTV, 1990).

 

B) La nature de l'apprentissage en situation et la nécessité d'un enseignement ancré

Brown, Collins, et Duguid (1989) pensent que les enseignants pourraient prévenir le problème du savoir inerte en faisant réaliser l'apprentissage dans un contexte qu'ils nomment expérience authentique. Ils pourraient également faire réaliser des apprentissages pratiques - activités que les apprenants considèrent importantes parce qu'ils peuvent imiter le comportement des experts (adultes) dans un domaine. Dans cet ordre d'idées, les étudiants voient les liens entre l'apprentissage réalisé à l'école et les activités de la vie réelle. Le GCTV pense que les enseignants peuvent répondre aux critères d'un enseignement en situation en ancrant celui-ci à des contextes très significatifs en résolution de problèmes. «L'enseignement ancré favorise une façon de recréer quelques uns des avantages de l'apprentissage par entraînement par une éducation formelle, laquelle place les étudiants dans une forme d'enrôlement» (CGTV, 1990, p.2).

 

C) Construire l'apprentissage à partir d'activités créées

Tout comme Vygotsky, le GCTV croît que l'apprentissage est plus significatif pour les étudiants lorsqu'il se construit (s'échafaude) à partir des expériences vécues. Les étudiants ont aussi plus de facilité à retenir les apprentissages qu'ils construisent ou «génèrent» eux-mêmes, plutôt que ce qu'ils reçoivent passivement (GCTV, 1991).

 

Le GCTV proposa que la meilleure façon de favoriser un enseignement qui réponde à tous les critères requis, consisterait à le présenter comme un scénario de base de vidéo disque. Celui-ci présente des problèmes intéressants pour les étudiants (mais difficiles) pour qu'ils les résolvent. Le premier de ces produits à caractère technologique, le Jasper Woodbury Problem Solving Series, met l'emphase sur les problèmes de mathématiques. Un autre, The Young Children's Literacy Series, porte sur les habiletés de lecture et de langage (GCTV, 1993). Ces produits veulent permettre de construire à partir du savoir déjà existant chez l'enfant, et également d'augmenter la possibilité du transfert du savoir à des situations de vie réelle.

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